Interview exclusive
Sincères salutations
d'un duo de passionnés
Dr Michelle de Rouffignac (chirurgien-dentiste)
Jacques de Cooman (son binôme prothésiste-dentaire)
Jean-Yves Ciers, Directeur Ivoclar Academy part à la rencontre du célèbre duo :

Dr Michelle de Rouffignac (chirurgien-dentiste) et Jacques de Cooman (son binôme prothésiste-dentaire)

 

Le 19 juillet 2023, c’est au cabinet dans le 16ème arrondissement Parisien, que ces deux attachantes personnalités, très connues du monde dentaire, me reçoivent.

Nous sommes à quelques heures de la fin de leur activité professionnelle. Le Dr Michelle de Rouffignac et Jacques de Cooman m'accueillent chaleureusement.

JYC : Chers amis, depuis quand travaillez-vous ensemble ?

Voilà 52 ans que nous collaborons !

C'est avec un pincement au cœur qu'âgés respectivement de 83 ans et de 81 ans, nous nous apprêtons à mettre un terme à une longue et riche carrière professionnelle.

(Rappelons que labo est dans le même bâtiment que le cabinet, à l’étage supérieur)

JYC : Vous avez souhaité me rencontrer pour me confier un objet qui vous tient à cœur

Jacques de Cooman : Il s'agit d'un four céramique qui a une longue histoire ! Il a appartenu au célèbre Dr Raymond Leibovitch

Ce four pour la cuisson des céramiques est de fabrication Allemande, il date de la fin des années 1950. Il fut l'un des premiers fours avec vide pour la cuisson des céramiques à 1100°C à cette époque. Observez comme sa chambre de chauffe est réduite. Pas de bridges complets en ces temps-là. Mais vous le voyez beaucoup de paramètres sont déjà réglables.

Nous souhaitions le confier aux équipes Ivoclar car vous recevez beaucoup de professionnels dans votre centre de formation, où ils pourront l’admirer.

Également parce que nous avons beaucoup travaillé avec vos matériaux durant toutes ces années.

Enfin parce que cette année vous fêtez vos 100 ans et ce four fait aussi partie de la grande histoire de la dentisterie.

Car tenez-vous bien, ce four a appartenu au "Dentiste des Stars", comme on l'appelait à l'époque ! Je veux parler du célèbre et illustre Dr Raymond Leibovitch.
Ce clinicien hors pair fut l'un des plus grands dentistes français, voir internationaux. Il a longtemps été un brillant enseignant à la faculté d'Odontologie de Montrouge (où un amphithéâtre porte aujourd'hui son nom). Il fut un des grands maitres, inspirant plusieurs générations de chirurgiens-dentistes.

Il a été un des premiers dentistes français à travailler les céramiques ! Car il faut savoir qu'à cette époque-là en tant que chirurgien-dentiste, il connaissait et maitrisait tous les gestes des prothésistes céramistes. Il réalisait pendant la guerre des jackets en céramique pure sur feuille de platine. C'est aux Etats-Unis qu'il est allé se former à ces techniques.

D'ailleurs les prothésistes lui doivent beaucoup ! Ardent défenseur des prothésistes, il fut le premier praticien à demander à ses confrères de les citer dans leurs publications.

Michelle de Rouffignac : C'est à ses côtés que j'ai débuté en tant qu'étudiante puis travaillant dès 1963 au sein du même cabinet. Ce vieux four à céramique a été le trait d'union entre nous deux, qui avons toujours été des cliniciens adeptes du tout céramique.

JYC : Racontez-moi un peu votre cheminement vers les céramiques ?

Jacques de Cooman :

Tout d'abord, un peu d'histoire : la céramique est née outre atlantique dans les années 1900. Les premières couronnes en céramique sont à base de silicate et c'est par le tout céramique que tout démarre !

Ce sont les Américains qui à l'époque sont les premiers à proposer ces matériaux qui se travaillent non pas sur des alliages mais sur des feuilles de platine. La technique était complexe, les matériaux insuffisamment résistants posaient de nombreux problèmes pour que cette technique soit utilisable. C'était réservé à une élite.  A la même époque en France, ce sont les couronnes à bague qui étaient légion. Pour les travaux esthétiques, nous réalisions des bridges en or avec les dents en porcelaine avec leurs crampons platine, proposées par les fabricants (chez Ivoclar en 1953 la Vivodent-C) ; voilà quels étaient les uniques moyens de restaurer les secteurs antérieurs.

Les inlays céramiques sur revêtement réfractaire balbutiaient et le collage n'existait pas encore.

Nous sommes à ce moment-là loin des céramo-métalliques, qui sont arrivées dans les années 60, toujours par les Etats-Unis. La Céramco (Dentsply) est apparue aux USA puis la VMK68 de chez Vita.

Le Club Français de Céramique a été créé en 1966 par Jacques Pichard. Il permettait aux prothésistes d'échanger sur les techniques proposées, tant il était difficile de maitriser ces céramiques (problèmes de bulles, fractures incompréhensibles et partages de connaissances).  

Puis plusieurs fabricants ont proposé de nouveaux matériaux. Dans les années 70 sont nées les céramiques alumineuses injectées. Ivoclar a commercialisé en 1976 sa première céramique (Vivodent PE) et sa 1ère céramo métal en 1978, c'était l'ITS.

Nous avons connu dans les années 80 de nouveaux procédés. Le Dr Michael Sadoun a proposé une céramique en barbotine infiltrée de verre, c'était le système Inceram en 1985. Enfin les techniques de pressée sont apparues avec l'Empress pour Ivoclar. C'est là que nous n'avons eu de cesse de promouvoir les restaurations tout céramiques collées.

C'est Buonocore en 1958 qui parle pour la première fois du collage. Mais il faut attendre les années 1980 pour parler des composites de collage.

En 1998 nous avons vu apparaitre le disilicate de lithium pressé (Empress 2) qui fut une énorme avancée puis l'e.max en 2005 pour le disilicate pressé et usiné. Ces années de collaboration nous ont permis de communiquer auprès de nos confrères respectifs au travers d'articles et de conférences.

Jacques de Cooman :

 Jean Yves, nous avons une question pour vous : nous avons vu apparaitre dernièrement les zircones et la CFAO, qu'est-ce que l'avenir nous réserve ?

Michelle et Jacques, la dentisterie a beaucoup évoluée et le numérique aussi, en cabinet comme en laboratoire. La CFAO est omniprésente à ce jour et cela ne s'arrêtera pas. Même si les techniques de pressée restent actuelles, l'usinage et l'impression 3D dominent et domineront les procédés de fabrication grâce à l'évolution des matériaux. Nous avons vu récemment qu'il est possible d'imprimer de la zircone et du disilicate de lithium (Lithoz et Ivoclar) ! cela laisse donc présager d'une nouvelle ère de la dentisterie contemporaine, encore plus conservatrice.

Michelle de Rouffignac et Jacques de Cooman :

Mon cher Jean-Yves, le temps est donc arrivé pour nous de passer à autre chose et de transmettre le flambeau tant nos métiers respectifs ont illuminé nos journées. Nous vous souhaitons de vous épanouir dans ce magnifique métier qui unit nos deux professions, car nous ne sommes rien si nous travaillons seuls.

 

Sincères salutations d'un duo de passionnés.